HIA Legouest : interview de L’infirmière en soins généraux Réjane – cadre supérieur de santé du circuit long
Comme tous les établissements de santé du Grand Est, l’HIA Legouest a contribué et contribue à la lutte contre le COVID-19. Nous avons voulu savoir comment certains d’entre nous ont vécu cette crise de l’intérieur. Pour connaitre leur ressenti, à chaud, alors que l’épidémie n’est pas encore terminée, nous vous proposons d’aller à la rencontre de ces personnels qui ont participé à la gestion de la crise.
L’infirmière en soins généraux Réjane est cadre supérieur de santé du circuit long, c’est-à-dire des services tels que la médecine interne et la médecine polyvalente. Elle seconde le Coordonnateur général des soins dans ses missions. Depuis le début de l’épidémie du COVID-19 elle est gestionnaire de crise en binôme avec le Manipulateur en électro-radiologie cadre supérieur de santé (MERCASSP) David et aide la Direction de l’hôpital à la prise de décisions dans la gestion de cette épidémie.
Quel a été votre rôle au moment de la crise ?
Le vendredi 28 février, nous avons commencé à être sollicités pour transmettre des données concernant notre capacité d’accueil et de prise en charge de potentiels patients COVID-19. En pleine période de congés scolaires, je me suis retrouvée « projetée » sur les fonctions de gestionnaire de crise COVID-19 par intérim.
Les informations sur cette crise nous ont amenées à réfléchir sur le déploiement d’une unité d’accueil de patients COVID-19 confirmés. Ceci nécessitait de déménager des activités d’hospitalisation afin de libérer un bâtiment complet pour répondre à des règles d’isolement géographique et épidémiologique.
En concertation avec le Médecin-Chef, l’infectiologue, la direction des soins, les cadres de santé, les praticiens, nous avons établi une organisation décloisonnée des hospitalisations, en cours, en regroupant les secteurs de médecines interne, vasculaire, physique et réadaptation, rhumatologie sur le service de médecine polyvalente.
Mon rôle a été essentiellement un rôle de transmission des informations (ascendantes, descendantes, transversales…) associé à un rôle de conseil en organisation des secteurs de soins, en gestion RH pour permettre le déploiement au « coup de sifflet » d’une unité de COVID-19. La 1ère unité de 16 lits a ouvert le dimanche 15 mars au soir, ouverture rendue possible par la mobilisation de réservistes et de personnels infirmiers et aides-soignants volontaires.
Quelles sont les premières mesures que vous avez prises au tout début de la pandémie ?
Dans un 1er temps, j’ai réuni les cadres de santé afin de leur transmettre le maximum d’informations connues pour qu’ils puissent à leur tour informer les équipes de l’option stratégique choisie.
Dans le même temps, je me suis rapprochée du service approvisionnements, budget, comptabilité (SABC) pour faire un état des stocks disponibles en masques, surblouses, lunettes, gel hydroalcoolique…. Il était impératif pour nous de mettre à disposition des personnels en contact avec les patients les bonnes protections au bon moment, et à bon escient.
Pouvez-vous nous donner quelques chiffres qui vous paraissent marquants ?
Au 15 avril, soit en 1 mois, nous avons accueilli 123 patients en secteur COVID-19 : 63 sont rentrés chez eux, 23 sont malheureusement décédés, 9 ont été transférés sur un autre établissement (SSR ou autre) et 3 ont été transférés en réanimation.
76 personnels de l’HIA ont consulté aux urgences ou auprès de leur médecin traitant pour une suspicion COVID-19 ; 15 ont été déclarés positif, 3 ont été hospitalisés, 1 est encore en réanimation et 10 personnels ont bénéficié d’un arrêt pour COVID-19 non objectivé par un test.
Nous sommes passés de 16 à 52 lits disponibles dédiés à l’hospitalisation de patients COVID-19 et armé une zone dite MinArm, dédiée au personnel du Ministère des Armées, de 10 lits supplémentaires. Les équipes ont pris en charge jusqu’à 46 patients sur une même journée en secteur COVID-19, ce qui justifiait pleinement l’ouverture d’une 4e unité.
Nous avons mobilisé l’ensemble des personnels soignants de l’HIA pour assurer la prise en charge des patients hospitalisés, que ce soit en secteur COVID-19, mais également en psychiatrie, aux urgences et dans le service de médecine polyvalente (cf.ci-dessus). Une trentaine d’expressions de volontariat et de bénévolat nous est parvenue. Certaines d’entre elles ont été rapidement transformées en contrat de réserve. Nous avons ainsi activé 7 contrats d’infirmiers de réserve en moins d’une semaine. Des personnels infirmiers, militaires du rang des antennes médicales de la région, mais également de Bayonne, sont venus prêter main forte aux personnels de l’HIA. Enfin, les Écoles militaires de santé de Lyon-Bron nous ont dépêché une dizaine d’étudiants en médecine et 10 étudiants en soins infirmiers.
Quelle est l’image qui vous a le plus marqué au cours de ces dernières semaines ?
Les regards souriants des personnels en secteur de COVID-19 et la solidarité des personnels placés en « plan de continuité d’activité » qui se sont portés volontaires pour assurer les missions de bionettoyage des services de soins et de brancardage afin de rendre plus sereine la prise en charge des patients COVID-19 que dans les autres services de l’hôpital. Je veux souligner aussi la solidarité entre cadres de santé qui ont pris en main le déploiement des unités de COVID-19, la gestion RH de l’ensemble des personnels soignants et périmédicaux impliqués.
Quels ont été les liens avec l’ARS et la DCSSA ?
Les liens avec l’extérieur étaient permanents : cellules de crise quotidiennes, voire bi-quotidiennes ; reportings multiples auprès de la direction des hôpitaux (DHOP); réunions en audioconférence bihebdomadaires avec la médecine du personnel ; réunions en audioconférence de la commission de soutien éthique avec les aumôniers tous les 10 jours.
La crise n’est pas finie, mais quels enseignements pouvez-vous d’ores et déjà tirer ?
Il nous a été plutôt facile de monter en puissance le dispositif d’accueil des patients en secteur COVID-19. Notre plus grand enjeu a été – et est encore – la diffusion de la bonne information, au bon moment, au bon interlocuteur et, en s’assurant de la compréhension et de la bonne application des mesures barrières.
Il nous faut désormais nous mobiliser pour penser « l’après » tout en conservant un volant sécuritaire pour absorber la queue de comète épidémiologique qui ne saurait disparaître du jour au lendemain.
Quel mot, pour vous, définit le mieux cette crise ?
Opérationnalité
Sources : HIA Legouest
Droits : © Ministère des armées