8 mars – Femmes engagées avec nos blessés : l’action comme arme, la résilience comme combat

Parce que la plupart des aidants sont des aidantes, le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, donne l’occasion au Service de santé des armées (SSA) de valoriser leur engagement auprès des blessés militaires dans leur parcours de reconstruction. Regards croisés d’une mère aidante et d’une infirmière militaire (référente de la cellule d’aide aux blessés et malades du SSA – CABMSSA).

Propos recueillis : l’ISG1G ® Alexis Bataille, adjoint à l’officier général dédié aux blessés.

 

Témoignage d’une mère aidante : Mère d’un blessé militaire, Madame M. est également son aidante. Autrement dit, un de ses plus proches soutiens qui l’accompagnent sur le chemin de la reconstruction. Dernier recours au cheminement parfois parsemé de difficultés mais toujours rempli d’amour.

Quelles ont été vos premières pensées et émotions lorsque vous avez appris que votre fils avait été blessé, et comment avez-vous trouvé la force et les ressources pour devenir son principal soutien ?

Lorsque j’ai appris que Pierre (le prénom a été changé) était blessé de guerre, il a été difficile d’obtenir beaucoup d’informations dans un premier temps, si ce n’est d’entendre ce curieux acronyme : SPT (syndrome psycho traumatique). Inutile de vous dire que cela ne signifiait rien pour moi et je suis tout de suite allée me renseigner sur le web pour en savoir plus sans pour autant être véritablement rassurée… C’est en allant le chercher à l’Hôpital d’instruction des armées que j’ai vraiment compris que Pierre ne serait plus le même. Mon rôle de mère est essentiel. Il y a un avant et un après la blessure : donner la vie et, aujourd’hui, la garder. Voilà ce qu’est le SPT, une épreuve d’amour, un défi d’existence.

Comment décririez-vous votre parcours d’aidante auprès de votre fils et quelles ont été les plus grandes difficultés et les moments les plus gratifiants que vous avez rencontrés ?

Sans conteste, le parcours d’aidant est très compliqué. Ce n’est pas inné, cela s’apprend tous les jours. C’est une école quotidienne et surtout une remise en question permanente de notre façon d’être et de l’appréhension de la blessure. Je ne suis ni psychologue, médecin ou infirmière, je suis mère, tout simplement, avec mes qualités et mes défauts. Néanmoins, je crois que le lien indéfectible qui m’unit à mon fils est plus fort que le reste. Aussi, je me plais à dire que nous avançons ensemble sur son parcours de réhabilitation, lui avec ses armes, moi avec les munitions. Nous avons une mission commune : l’espoir.

Par ailleurs, une volonté nous anime et ce, grâce à la présence discrète de la Grande Muette. Une communauté qui fait preuve de reconnaissance pour ses blessés, notamment à l’occasion du récent plan qui leur est dédié. Tout n’est pas parfait, c’est certain, mais Pierre s’appuie sur cette fraternité d’armes pour progresser avec le sentiment de ne pas être oublié par sa « deuxième famille ».

En cette journée des droits des femmes, quel message souhaitez-vous partager avec d’autres femmes qui se trouvent dans des situations similaires d’accompagnement d’un proche blessé au combat ?

Je souhaite dire aux femmes vivant ma situation que le chemin est difficile, très long, mais qu’il ne faut pas désespérer ! Vous possédez, nous possédons en nous, une force incroyable ! Nous sommes aimantes plutôt qu’aidantes. Néanmoins, gardons à l’esprit que la force s’entretient – ce ne sont pas les militaires qui diront le contraire ! – il faut donc se libérer du temps et de l’espace pour prendre soin de soi afin de mieux prendre soin de son proche. Notre courage est le leur. Soyons fières d’être des aidantes mais, avant tout, des femmes, certes engagées, mais qui ont besoin de garder leur flamme de vie pour mieux la faire rejaillir chez l’autre.

 

Témoignage d’une infirmière militaire référente de blessés : L’ISG2G M. est infirmière, référente de blessés au sein de la cellule d’aide aux blessés et malades du Service de santé des armées (CABMSSA) depuis plusieurs années. Au plus proche des blessés du Service, elle se situe au carrefour technico/médico-administratif de parcours de vie et de réhabilitations souvent complexes. A la frontière entre expertise et humanité, elle témoigne.

Pouvez-vous nous parler de votre rôle en tant qu’infirmière référente auprès des blessés de guerre et de l’importance de ce soutien pour leur rétablissement ?

Le rôle du référent est axé sur la coordination et le soutien des blessés et malades du SSA, leurs proches, mais aussi des familles de militaires morts en service. Le référent guide le blessé dans son parcours de reconstruction avec l’appui de cinq pôles d’expertise : santé, action sociale, juridique, reconstruction par le sport et réinsertion. Ces derniers permettent un accompagnement dans la durée qui intègre toutes les dimensions du parcours du blessé et une reconnaissance de la blessure. Il est indispensable d’aborder la situation du blessé, du malade ou de la famille de façon multidimensionnelle car les problématiques impactent profondément leur quotidien. L’expertise infirmière sur laquelle je m’appuie me permet de mieux considérer cela car c’est, concrètement, une démarche d’accompagnement.

Face aux défis uniques rencontrés dans le soin aux blessés, comment parvenez-vous à maintenir votre résilience et votre motivation et quelles stratégies utilisez-vous pour surmonter les moments difficiles ?

La charge émotionnelle est très présente, c’est un fait. Même si je suis une professionnelle de santé avec plusieurs années d’expériences, il est vrai qu’il faut veiller à ne pas se laisser envahir par la charge mentale qu’induisent les entretiens parfois très complexes avec les blessés, les malades ou les familles. Le rôle de l’équipe est indispensable sur ce point car l’esprit collectif est un soutien précieux. Nous avons la possibilité de solliciter un psychologue du SSA et nous avons également pris l’habitude d’échanger entre référents de la cellule d’accueil des blessés de façon formelle ou informelle, le temps d’un café ou de réunions. La verbalisation est, je crois, un outil simple qui nous offre le moment d’introspection et d’analyse utile à l’amélioration des pratiques. C’est un bénéfice mutuel et vertueux.

En tant que femme, militaire et infirmière, quel message aimeriez-vous partager pour la journée de la Femme, en particulier à celles qui envisagent de suivre une carrière similaire à la vôtre ?

D’abord, je dirais aux jeunes femmes désireuses de s’engager au SSA de suivre leur envie : n’hésitez pas ! Bien avant de parler de carrière, la vie militaire offre de belles opportunités, dont la première est de vivre une extraordinaire aventure humaine à laquelle appartient l’accompagnement des blessés et de leurs familles ainsi que des familles endeuillées. Bien entendu, le quotidien d’une infirmière militaire est mouvementé mais le retour est à la hauteur du niveau d’engagement, soyez-en certaines.

À mes yeux, servir la cause des blessés et des familles endeuillées du SSA est un honneur et une forme d’aboutissement professionnel : je reste une soignante convaincue. Cette mission prend toute sa dimension lorsque, chaque matin, je franchis les grilles de l’Hôtel national des Invalides, historiquement lié à l’histoire de notre profession et à celle de nos blessés.

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